Barbara Cassin : Vers un monde de travailleurs sans travail ?

L’Homme performatif.

Le pire scénario de demain, avait prédit Hannah Arendt, serait « une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste ». Comment évoluer alors entre le marteau de la précarité et l’enclume de la performance généralisée, qui fait de la qualité quelque chose comme une propriété émergente de la quantité, et dont nous ne cessons de souffrir, jusque dans les métiers les moins soupçonnables de pénibilité ? – “Nous, citoyens, administrés, professionnels, étouffons derrière les grilles d’évaluation. Il faut coûte que coûte entrer dans les cases. Il faut réduire chacun de nos actes à une série d’items pour qu’ils soient quantifiables, performants. Ce que nous faisons les uns et les autres n’a plus de sens : nous ne reconnaissons plus nos vies dans la représentation du monde ainsi formaté.”

Dans l’ouvrage collectif Derrière les grilles qu’elle a dirigé aux éditions Mille et une nuits, la philosophe Barbara Cassin s’insurge contre l’irrésistible domination exercée sur nos vies au nom de l’évaluation et de la “qualité” : de notre naissance à notre mort, ce dispositif formate sur le modèle des agences de notation notre relation au travail, à l’éducation, au bien public, à notre santé… Pouvons-nous encore échapper à la mise en grille du monde ? Ou tout au moins la subvertir ?

Enregistré le 31 janvier 2014 dans la salle Roland Topor Théâtre du Rond-Point. Conférence organisée par Jean-Daniel Magnin et Amine Khaled pour le Rond-Point En partenariat avec Cinaps TV et Rue 89.
Publié le 4 février 2014 sur ventscontraires.net, la revue en ligne du Théâtre du Rond-Point